"Tous les chemins mènent à Rome, et donc à Corelli" l'un des fondateurs et des maîtres incontestés de l'art violonistique en Europe. Ce programme illustre le parcours créatif de deux compositeurs que tout relie et différencie à la fois.
Corelli et Leclair
« Tous les chemins mènent à Rome, et donc à Corelli », affirme Leila Schayegh. C’est qu’en effet, l’influence du compositeur italien a traversé l’Europe entière, contribuant largement à façonner et développer l’écriture instrumentale – et plus spécifiquement, violonistique – à une époque où cette dernière était encore en retrait face à la musique vocale. Dès son vivant, Corelli voit son œuvre, pourtant relativement restreinte en quantité, rayonner partout. En Italie, la notoriété de celui qui est aujourd’hui regardé comme le fondateur de la technique du violon moderne est absolue et le compositeur jouit du soutien de très nombreux mécènes, allant de Christine de Suède à Pietro Ottoboni, neveu du pape à la fortune aussi colossale qu’était réputé son goût pour l’art en général. Dans le monde germanophone, l’admiration de Jean-Sébastien Bach lui est totalement acquise et le Cantor de Leipzig empruntera à son modèle italien le thème mélodique de sa fugue pour orgue en si mineur (BWV 579), tandis qu’en France, Couperin-le-Grand lui dédiera son « Parnasse », sous-titré L’Apothéose de Corelli. Via Haendel, l’œuvre corellienne atteint même l’Angleterre où son succès, immédiat, ne se démentira plus.
Six numéros d’opus – cinq, publiés du vivant de l’auteur, regroupant chacun douze sonates, et un sixième, publié en 1714 de manière posthume, contenant les douze concerti grossi – ont suffi à assurer à Corelli cette célébrité. C’est que l’inventivité novatrice de ces œuvres est remarquable. Ainsi, l’on considère souvent ce fameux opus 6 comme la pierre fondatrice du concerto baroque italien.
Le concerto grosso, tel qu’élaboré par Arcangelo Corelli, se présente comme une série de joutes musicales entre le concertino (petit groupe de solistes) et le concerto grosso à proprement parler, grand groupe de la masse orchestrale, et dont les témoignages nous disent qu’elle regroupait parfois jusqu’à cent musiciens. Le concertino, très unifié, est toujours constitué de deux violons et d’un violoncelle avec basse continue, ensemble auquel est parfois adjoint une partie d’alto. Ce groupuscule, détaché de l’orchestre, entretient avec ce dernier un dialogue animé. « Pour l’oreille, précise Leila Schayegh, cela se traduit par un jeu délicieux entre la force et la douceur, la masse symphonique et la liberté solistique ». Le nombre de mouvements, et leur alternance entre sections lentes ou plus rapides, n'est pas encore normalisé. Corelli, expérimentateur prodigieux, exploite toutes les riches potentialités de ce genre naissant, qui lui sert de laboratoire.
Tout à l’inverse, lorsque Jean-Marie Leclair, compositeur français d’une génération plus jeune s’empare de cette forme, une certaine stabilisation s’est déjà opérée. Ainsi, ses œuvres répondront toutes à la structure en trois mouvements qui sera la norme tout au long du XVIIIe siècle : vif, lent, vif. De même, le concertino se sera mué en une seule voix soliste, ou en un groupe de solistes fortement individués, dont le dialogue avec l’orchestre deviendra plus puissamment dramatique, le spirituel échange entre deux groupes devenant théâtralisation de la solitude d’un seul face à la masse.
« Pour nous, aujourd'hui, tout ressemble peut-être à ce que nous appellerions simplement musique baroque, précise encore Leila Schayegh ; mais les différences de forme et de style sont frappantes. Et pourtant : Leclair a été techniquement et musicalement fortement influencé par le style italien - et donc, en fin de compte en effet, tous les chemins mènent à Corelli ».
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